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Amicale des vétérans du PCF
26 août 2015

Claude Cabanes est mort

Claudes Cabanes (18)

 

Claude Cabanes (1936-2015)

un esprit, une plume, une voix

 

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article de l'Humanité : Claude Cabanes est décédé

Claude Cabanes, ancien rédacteur en chef de l'Humanité de 1984 à 2000, est décédé mardi à l'âge de 79 ans des suites d'un cancer ont annoncé son fils et Patrick Le Hyaric, directeur de l'Humanité.

"Pour nous, c'est une des grandes figures de l'Humanité qui part. C'était une voix et un style particulier. Il ciselait les mots et les utilisait comme des armes, au bon sens du terme", a Patrick Le Hyaric à propos de cet homme "chaleureux, très cultivé et toujours à l'affût de l'information".

Passionné par les mots et l'écrit en général, Claude Cabane était devenu en 2000 éditorialiste et chroniqueur. Il avait publié un livre d'inspiration autobiographique, Le Siècle dans la peau (2005) et un Éloge de la vulgarité (2011).

Né le 29 avril 1936 à Toulouse (Haute-Garonne), Claude Cabanes, licencié en droit, adhère au PCF en 1962, au lendemain de la guerre d'Algérie qui l'a profondément révolté. Il entre en 1971 comme rédacteur à l'Humanité-Dimanche, dont il fut successivement chef du service culturel (1973), adjoint au chef du service politique (1975), puis rédacteur en chef adjoint (1976).

Deux ans plus tard, il assume les mêmes fonctions au quotidien l'Humanité, avant d'être nommé fin 1981 chef du service culturel des deux publications. En 1984, Claude Cabanes remplace René Andrieu comme rédacteur-en-chef. Il assume cette fonction durant seize ans.


L'Humanité, 26 août 2015

 

Claude Cabannes (4)
Claude Cabanes (1936-2015)

Hommages

François Hollande :  "Fils d'un chef d' État-major des FTP (francs-tireurs partisans, ndlr) dans le Sud-Ouest, il était resté fidèle à la mémoire des résistants communistes", a réagi le président de la République à propos de celui qui participait régulièrement à l'émission "On refait le monde" sur RTL ou de "Droit de réponse" sur TF1.
 
Fleur Pellerin, ministre de la Culture : "La culture de Claude Cabanes était immense, et bien connue des lecteurs du journal fondé par Jean Jaurès. Il avait pour lui cet amour des mots et de la langue française, et cette intelligence passionnée des combats d'idées".
 
Pierre Laurent, secrétaire national du PCF : «Une grande plume de l’Humanité s’est éteinte» : Ce matin, il fait un temps splendide à Paris. Et pourtant, aujourd'hui, la chaude voix du sud de Claude Cabanes s'est éteinte, vaincue par le cancer. Claude était une des grandes plumes de l'Humanité, dont il a dirigé la rédaction de longues années. Personne n'oubliera ses éditoriaux cinglants. Il fut aussi une grande voix du journal dans de nombreux médias, de France Inter puis à RTL.
Avec sa voix rocailleuse, son sourire ou sa plume aiguisée et pleine d'humour, il aimait les mots, il aimait le débat d'idées, la confrontation des esprits. Il aimait l'impertinence, le monde ouvrier, la vie. Claude détestait les injustices, toutes les injustices.
Il trouvait à chaque occasion, le bon mot, la bonne phrase qui ferait mouche. Il pouvait parfois même être de mauvaise foi, mais toujours pour la bonne cause. Cela fut vrai dans ses nombreuses tentatives d'arrêter la cigarette.  J'ai  eu la chance d'apprendre mon métier à l'Humanité quand Claude en était l'une des signatures illustres. J'ai pu apprécier son envie de faire comprendre les njeux politiques du moment. J'ai vu comment il cherchait les angles d'attaques d'un éditorial, d'un article.
Comment dire simplement des choses compliquées.  Je l'ai vu chercher toujours  comment renouveler le journal, ce qui valait de belles empoignades dans la rédaction. Homme d'une grande culture, Claude a  toujours partagé cette richesse avec les lecteurs de l'Humanité et de l'Humanité Dimanche, mais aussi  à la Fête du journal où il aimait polémiquer sur les estrades. À sa famille, sa femme que j'ai eue hier au téléphone, à  tous ses proches, à ses amis journalistes du monde de la culture, j'adresse le salut fraternel du Parti Communiste. À tous, j'adresse  mon affection et mon amitié dans ce moment si difficile. "

 

Claude Cabannes (2)
Claude Cabanes (1936-2015)

 

Claude Cabannes (3)
Claude Cabanes (1936-2015)

 

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Le siècle dans la peau

 

 

Le Siècle dans la peau couv

 

Pour son premier roman, l'ancien rédacteur en chef de l'Humanité rend hommage d'abord aux mots. Et à un «certain» siècle, le sien, le nôtre.

Question - Du 29 juin 1936, 21 juin 1945, 4 juillet 1954... jusqu'au 14 mai 1998 : presque tous les chapitres du roman que vous venez de publier (1) ont une date en exergue. La chronologie structure votre fiction, comment participe-t-elle de votre mémoire ?

Claude Cabanes - J'ai passé la moitié de ma vie à lire. La littérature, les écrivains m'ont toujours beaucoup impressionné. À tel point que j'ai longtemps estimé vain d'écrire moi-même. Cependant, j'ai réussi peu à peu à surmonter cette paralysie. Et un jour, j'ai présenté à mon éditrice un manuscrit. J'avais le sentiment que tout cela n'aboutirait pas, mais qu'il fallait que j'en passe par là.
Cette éditrice m'a pris par la main et m'a aidé non pas à écrire, mais à donner sa forme, sa structure à ce qui deviendrait le roman. Elle m'a aidé à le construire. L'idée, à laquelle je me suis rangé, de donner au lecteur une double entrée pour chaque chapitre, vient d'elle.
De là cette chronologie qui court sur un demi-siècle. Ce que je voulais faire, c'était mêler systématiquement l'histoire et son retentissement dans la profondeur de mon être. Parce que l'histoire ce n'est pas que des événements, des manifestations, des parades de chefs d'État, des tragédies, toutes choses que l'on retrouve dans les livres d'histoire. C'est aussi le bruit de tout cela au plus profond de soi-même dans la nappe phréatique de l'être.
Ainsi par exemple, 1968 ne représente pas seulement pour moi les événements de Mai mais aussi une explosion affective et - intellectuelle bouleversante. Intimité et histoire sont confondues. Ce matériau-là, je l'ai réinjecté dans une fiction.
Je n'ai pas écrit une autobiographie. Et la fiction m'a submergé : je suis devenu une barque sur le fleuve de l'écriture. Ainsi les dates qui ouvrent les chapitres ne sont-elles pas significatives pour moi, mais constituent des repères de lecture, tant sur le plan de la forme que sur celui du fond. Des repères dans cet étrange mélange d'histoire, de biographie et de fiction. C'est ce qu'a très bien analysé Bernard Pivot dans une chronique du Journal du dimanche.

Question - Votre roman commence par ces mots, forts : «Je tiens ma haine en laisse. Je hais.» Tertullien disait : «La haine est la fille de la crainte» et Victor Hugo dans les Contemplations écrit : «La haine, c'est l'hiver du coeur.» Avec laquelle de ces deux citations êtes-vous d'accord ?

Claude Cabanes - J'aurais envie de dire que je hais ma haine. Cette haine est un produit de notre histoire. Parce que comme communistes, nous avons vécu un drame absolu : la mort de l'imaginaire. Rien n'est plus terrible que cette mort-là. Que ce deuil-là, celui d'une chimère. Or, avec la mort du communisme incarné, si vous permettez la référence christique, c'est notre imaginaire qui a disparu. Ma haine est le produit de cet effondrement. Et de ce que je peux constater du devenir de notre monde, de ce que je peux voir de cette abjection molle qui désormais gouverne à notre société. Je pense que ma haine est en ce sens plus proche de la haine dont parlait Hugo, c'est une haine d'hiver, d'après décomposition de notre grande espérance révolutionnaire, notre printemps. Il faut la reconstruire. Parce que si la lettre du communisme est morte, l'esprit du communisme continue de hanter le monde.

Question - Vous avez été chef de la rubrique culture, puis rédacteur en chef adjoint de l'Humanité dimanche, puis rédacteur en chef de l'Humanité quand celle-ci était encore l'organe central du Parti communiste. Vous êtes encore éditorialiste, après avoir été directeur de la rédaction. Le rapport du Parti avec la littérature, les écrivains, a longtemps été compliqué. Comment viviez-vous les prises de position du Parti à ce moment-là et que gardez-vous de cette période ?

Claude Cabanes - C'est toute une histoire qui mérite mieux que quelques lignes. La trajectoire du journal se confond avec celles de la littérature et de la pensée françaises : c'est l'Humanité qui publie en feuilleton les Caves du Vatican, de Gide, et c'est l'Humanité qui rend compte de la thèse du jeune docteur Jacques Lacan.
Dans la période stalinienne la plus dure, l'instrumentalisation de la littérature, de l'art et de la pensée a été détestable. Mais ça n'a pas duré. L'Huma a conservé une sorte de génie rampant de l'ouverture. À l'époque de mes responsabilités tout ça était fini. Reste que l'on peut encore ricaner du fait que le journal n'a jamais donné la parole à Jean-Paul Sartre ou à Michel Foucault.

Question - Revenons au roman. Vous avez opté pour un style bref, d'une facture vive, un vocabulaire contemporain. Quels sont les écrivains dont le style vous a le plus marqué ? De qui vous sentez-vous proche aujourd'hui dans l'écriture ?

Claude Cabanes - Parmi les grands écrivains : Aragon, bien sûr. Encore et toujours. Et c'est probablement l'Aragon de la Semaine sainte qui m'a le plus touché en profondeur. Mais aussi Proust. La Recherche du temps perdu est le livre inépuisable. On peut passer une vie à lire et relire Proust. Ce que je fais d'ailleurs, selon les moments, en fonction de ce que je suis en train de vivre.
Et il y en a tant d'autres. Par exemple dans la littérature américaine : Manhattan Transfer, de John Dos Passos est un des romans qui a fondé ma passion de la littérature. Cependant, je ne sais pas faire la part entre les écrivains que j'ai aimé lire et relire et ceux qui m'ont influencé dans ma manière d'écrire.
Pour les contemporains, je me sens proche de Philip Roth et assez loin de toute cette littérature grise, en demi-teinte, fade que nous connaissons actuellement. Beaucoup de romans d'aujourd'hui se replient sur la sphère narcissique d'une manière qui m'ennuie à mourir. Carlos Fuentes a eu cette phrase qui me poursuit sans cesse : «Chaque roman devrait ajouter un peu de monde au monde tel qu'il est.»

Entretien réalisé par
Jérôme-Alexandre Nielsberg
L'Humanité, 19 février 2005

(1) Le Siècle dans la peau, Maren Sell Éditeurs (282 pages, 19 euros).

 

 

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Éloge de la vulgarité

 

Éloge de la vulgarité couv

 

Éloge de la vulgarité couv (2)
Éloge de la vulgarité, Claude Cabanes, 2011, éd. du Rocher

 

- "Je suis un dandy et je vomis la vulgarité. J'appelle à un soulèvement de l'esprit pour la défense du style, de la droiture et de l'élégance", Claude Cabanes, 2011.

 

 

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portraits

 

Claudes Cabanes (13)
Claude Cabanes (1936-2015)

 

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Claude Cabanes (1936-2015)

 

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Claude Cabanes (1936-2015)

 

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Claude Cabanes (1936-2015)

 

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Claude Cabanes (1936-2015)

 

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Claude Cabanes (1936-2015)

 

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Claude Cabanes (1936-2015)

 

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Claude Cabanes (1936-2015)

 

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Claude Cabanes (1936-2015)

 

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Claude Cabanes (1936-2015)

 

Claude Cabanes (11)
Claude Cabanes (1936-2015)

 

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Claude Cabanes,

une noblesse de plume pour servir l'espérance

Patrick APEL-MULLER

 

L’ancien directeur de la rédaction de l’Humanité est mort mardi soir [25 août 2015] à l’âge de 79 ans. Son élégance, son goût de la polémique, sa passion pour les mots ont marqué des générations de lecteurs.

«Le tranchant de la lame, l’élégance de la phrase et l’humour souvent ravageur.» Ces mots que Claude Cabanes dédiait à René Andrieu – «un maître, comme l’on dit d’un maître d’armes» – lui allaient comme un gant. Et des gants, il en avait jeté beaucoup, bretteur de la plume et débatteur enflammé sur le plateau de Michel Polac.
Celui qui fut de 1981 à 2000 le ­rédacteur en chef puis le directeur de la rédaction de l’Humanité s’identifiait à son journal, une inextinguible passion avec ce que cela comporte d’exaltations et de ­douleurs. Jusqu’à ces dernières semaines, refusant de plier le genou devant la maladie, il passait dans mon bureau et lançait : «Il faut que je te fasse un édito un de ces jours.»

«Je porte en moi, intacte et pure comme le diamant, douce comme la peau du ventre d’une jeune femme, brillante comme la lame du meilleur acier, la flamme de la révolte», avait-il écrit dans son journal en ­novembre 2000. Avait-elle grandi lors de cette entrée au lycée où les fils de bourgeois moquaient ce pensionnaire «aux chaussettes tricotées» ? S’était-elle nourrie de sa passion étudiante pour «les grands textes de la révolte», Sartre, Camus, Rimbaud ou Lautréamont ? Ou bien dans cet épisode d’insoumission qui conduit le deuxième classe hostile à une guerre injuste dans une prison d’Algérie ? Il est difficile de dénouer la part des mots et des mêlées du temps dans le parcours de Claude Cabanes.

Rien d’anodin à ce que son dernier texte publié dans l’Humanité fut un cri d’indignation contre la volonté d’effacer la résistance ­communiste de l’histoire.
Elle marqua si profondément l’enfant dont le père, colonel FTP, avait guerroyé dans le Sud-Ouest. Un héros si proche et si lointain quand les parents déchirés se disputent sa garde. Finalement confié à sa mère – institutrice vouée à la littérature, occitaniste raffinée qu’admirait l’écrivain Félix Castan, féministe –, Claude Cabanes vécut une enfance gersoise au milieu des femmes de sa famille. On en déduirait peut-être facilement que son goût pour la haute couture à quoi il fait sa place dans les ­colonnes de l’Humanité et son intérêt pour la corrida tenaient à ces deux pôles d’aimantation.

Claudes Cabanes (17)Sorti de l’université avec un doctorat de droit public, militant communiste en 1962, il était devenu un dirigeant de la fédération du PCF dans le Val-de-Marne, militant professionnel, le matin aux portes des usines, le soir dans des porte-à-porte ou des réunions enfumées.

Mais, sans doute, l’art des mots, griffés noir sur blanc, lui manquait-il. Entré à l’Humanité en 1971, passant de l’hebdomadaire au quotidien, alternant les rubriques culturelles et politiques, Claude Cabanes devint vite un de ses noms que ­retiennent les lecteurs. «C’est grisant de brasser le monde», confiait-il et, lui qui avait vu l’Humanité brûlée au pied de l’amphi de son université par les partisans de l’Algérie française, revendiquait le statut de journaliste communiste.

« Je ne crois pas - affirmait-il à l’Événement du Jeudi -, au mythe de l’objectivité et de l’indépendance (…). Il n’y a pas la vérité, les faits, mais de la contradiction.» Et il répliquait à ceux qui le titillaient sur une écriture engagée : « Il me semble d’abord que la ­littérature est engagée, comme on disait autrefois, du fait qu’elle s’écrit avec des mots. Or les mots ont un pouvoir d’action sur le monde : ils le transforment. Ce sont les mots de la Bible, de la Déclaration des droits de l’homme, du Manifeste communiste qui ont soulevé des montagnes. »

 

Garder l’âme, l’esprit du journal et conquérir de nouveaux rivages

«Tenir tête à la cruauté du monde.» C’est sur cette selle-là que galope sa plume et qu’il ne vide jamais, même quand les salons parisiens lui ouvrent leurs portes, fascinés/révulsés par ce séducteur qui sait aussi faire du communisme un dandysme, une élégance, une culture, un drame parfois qu’il balaie d’une citation de Roger Vaillant : « La recherche (du bonheur) est une tâche difficile et héroïque. »
Son accent d’Armagnac le fait reconnaître des auditeurs et des téléspectateurs. Le service public ayant mis le pluralisme sous clé, il poursuit ses confrontations de micro sur RTL, dans "On refait le monde", désormais animé par Marc-Olivier Fogiel.

En 1982, il devient membre du Comité central du PCF – il restera membre du parlement du Parti jusqu’en 2003 – comme une annonce de la responsabilité qui lui échoira deux ans plus tard à la tête de la rédaction de l’Humanité. Roland Leroy l’a choisi pour l’ouverture qu’il pouvait apporter au quotidien ; Georges Marchais l’a adoubé. Et Claude Cabanes s’y est attaché, exercice délicat où il faut garder l’âme et l’esprit du journal, la fidélité des lecteurs et conquérir de nouveaux rivages. Il le fit parfois jusqu’à trébucher – joutant rudement avec qui le contredisait en interne – et souvent avec succès.

 

Il frappait de pointe et ­d’estoc « l’abjection molle » du moment

Origine du monde Huma 27 juin 1995

On se souvient peu que l’Humanité fut ainsi le premier quotidien français à publier à sa une l’Origine du monde, de ­Gustave Courbet. Avec son ami Michel Boué, il fit rentrer les créations étincelantes de Saint Laurent et de Lacroix dans des ­colonnes où l’on se méfiait du luxe et les ouvrit aussi à la liberté des mœurs, tandis que, goût pour la polémique aidant, il frappait de pointe et ­d’estoc les abandons du mitterrandisme, le «règne de la marchandise et du néant», « l’abjection molle » du moment, ainsi qu’il le lança dans un portrait de Libération.

Il fut de ceux qui permirent à l’Humanité – et il tira bien des bords dans cette navigation – de se dégager du corset de l’organe central de parti pour une métamorphose en journal communiste, ouvert aux curiosités des femmes ou hommes de gauche. Il avait retenu cette image pour son projet en 1999 : «Quand les hommes s’intéresseront aux hommes.»

Sous son profil de condottiere, il recherchait une noblesse de plume (loin des affaissements voraces de la noblesse de robe), mise au service d’une espérance, tendu dans cette trajectoire perturbée par des cahots sanglants.

Le train fou de l’actualité lui a longtemps permis de différer une envie que paralysaient les statues des commandeurs de la ­littérature. Au premier rang desquels Aragon, longtemps lu «comme un ­voleur». «Après tout, écrivit-il, nous sommes de la même famille et nous avons partagé le même cauchemar. Il ne faut pas en vouloir aux enfants de fouiller dans les malles du grenier.»

 

À fleur de peau pour traverser le siècle

Mais le poids écrase, le grand fleuve littéraire emporte, et il est aisé de se perdre dans les plis des étoffes somptueuses de la langue de l’auteur du Traité du style. Ce n’est qu’après avoir quitté ses responsabilités (tout en restant éditorialiste) qu’il publie en 2005 son ­premier roman, le Siècle dans la peau (chez Maren Sell).

Cette peau, c’est celle qu’il lui fallut durcir pour traverser le siècle, mais aussi celle entrevue dans un croisement de jambes sous la jupe. Par quoi, c’est plutôt vers Roger Vaillant qu’il regarde. Ce livre paya la dette qu’il avait à son propre égard et il ne prolongea pas «l’orgie du roman» (1).

Durant les derniers mois où la corne du cancer cherchait l’homme, Claude accueillait ce combat avec lucidité, un stoïcisme romain et le souci d’épargner son entourage, sa femme Marylène et ses trois enfants. Avec toujours, une démangeaison à la pointe de la rapière, quand nous évoquions l’actualité.

(1) Il a également publié en 2011 un pamphlet, Éloge de la vulgarité.

L'Humanité, 27 août 2015

 

Claude Cabanes (12)
Claude Cabanes (1936-2015)

 

Claude Cabannes (1) 
                                                Claude Cabanes (1936-2015)

 

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