Fernand Grenier
GRENIER (Fernand, Joseph)
Né le 9 juillet 1901 à Tourcoing (Nord)
Décédé le 12 août 1992 à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis)
Député de la Seine de 1937 à 1940
Membre de la première et de la seconde Assemblée nationale constituante.
Député de la Seine de 1946 à 1958
Mobilisé
en septembre 1939, Fernand Grenier est affecté comme sapeur à la 5ème
compagnie du bataillon du Génie stationnée à Laval, dans la Mayenne.
Démobilisé près d'Annecy, il regagne Paris au début d'août 1940 ;
malgré l'interdiction officielle du PC et la déchéance de ses mandats
de député de la Seine et de conseiller municipal de Saint-Denis, il
assure la remise en marche des organisations communistes de
Saint-Denis, à ciel ouvert, en pleine occupation nazie. Il est
finalement arrêté le 5 octobre 1940 par la police de Saint-Denis et
interné au sanatorium d'Aincourt (Seine-et-Oise). Transféré le 4
décembre suivant à Fontevrault (Maine-et-Loire) puis le 20 janvier 1941
à la centrale de Clairvaux (Aube), il échoue finalement au camp de
Chateaubriant (Loire-Inférieure) dont il parvient à s'échapper, le 19
juin 1941.
Revenu à Paris, Fernand Grenier se
cache soigneusement dans un appartement et rédige des articles dans la
presse clandestine du PC ; à la fin de l'année 1942, il est chargé par
le Comité central clandestin d'établir les premiers rapports avec les
formations de la Résistance non communiste, et en particulier avec les
gaullistes. Le 25 novembre 1942, il rencontre Rémy, agent de liaison de
De Gaulle pour préparer un voyage à Londres, afin d'établir le contact
direct entre les communistes et le général de Gaulle.
Voyageant en
compagnie de Rémy, Fernand Grenier arrive le 11 janvier 1943 à Londres,
porteur d'une première lettre du Comité central donnant "l'adhésion du
PCF à la France combattante pour la Libération de la France" et d'une
seconde, signée de Charles Tillon, au nom des FTP. Délégué du PCF
auprès du comité de la France Libre, Fernand Grenier reçoit le titre,
sans grande signification, de conseiller au Commissariat de l'Intérieur
de la France Libre. Cependant, en août, puis en septembre 1943, de
Gaulle lui offre une place au Comité français de Libération nationale à
Londres ; Fernand Grenier en réfère alors à Duclos, qui préfère
décliner pour l'instant.
À son arrivée, à
Alger, en octobre 1943, comme délégué au Comité consultatif, Fernand
Grenier se voit offrir un portefeuille ministériel, celui du commerce,
de l'industrie et de l'agriculture. Le PC juge le poste trop "mince" on
lui propose alors le lendemain celui du ravitaillement, qui d'ailleurs
n'est guère plus important ; il s'agit en fait d'un épisode du conflit
de principe qui oppose de Gaulle, qui entend choisir ses ministres
communistes, et la direction du PCF, qui entend les lui imposer.
L'activité
parlementaire de Fernand Grenier, interrompue durant près de quatre
années par la guerre, reprend le 9 novembre 1943, lorsque sa
désignation à l'Assemblée consultative provisoire est validée ; il est
alors nommé membre de la Commission du règlement, de la Commission des
affaires étrangères et de la Commission de l'information et de la
propagande.
Fernand Grenier n'est l'auteur que
d'une seule proposition de résolution, le 30 novembre 1944, "tendant à
inviter le gouvernement à prendre les mesures nécessaires pour
restaurer dans leurs biens et pour indemniser toutes les victimes
politiques de la guerre, du fascisme et de la collaboration avec
l'ennemi et de toutes les lois d'exception". À la tribune, il
intervient cependant à de nombreuses reprises, en qualité de délégué,
au début de l'année 1944, au cours de la discussion de la proposition
de résolution sur l'organisation des pouvoirs publics en France ; il
dépose notamment le 24 mars, un amendement tendant à établir le
principe du vote des femmes, puis, le 27 mars un autre amendement
tendant à étendre le droit de vote aux militaires.
Après
une nouvelle proposition de De Gaulle visant à l'entrée du PCF au sein
du gouvernement provisoire, le 18 mars 1944, la délégation du Comité
central sollicite une audience, le 29 mars, qui est accordée à Bonte,
Fajon, Billoux, Lozeray, Marty et Grenier. Après un compromis de part
et d'autre, De Gaulle nomme, le 4 avril 1944, Billoux au commissariat
d'Etat et Fernand Grenier commissaire à l'Air, montrant ainsi la
confiance personnelle qu'il avait envers ce dernier. De Gaulle écrira
d'eux dans ses Mémoires de guerre : "Fernand Grenier et François
Billoux, l'un brusque, l'autre habile, tous deux capables, divisent
leur sourcilleuse attention entre, d'une part, leurs postes respectifs,
et, d'autre part, leur parti qui veille sur eux du dehors". Fernand
Grenier explique quant à lui en 1981, dans un entretien accordé au
Monde : "De Gaulle m'a choisi, car il a sans doute apprécié mon
sentiment national et parce qu'il savait que je n'en profiterais pas
pour faire l'éloge des thèses soutenues par le Parti communiste".
Le
passage de Fernand Grenier au commissariat de l'Air est marqué par
l'échec sanglant du soulèvement du maquis du Vercors, en juillet 1944 :
en charge de l'aviation militaire de transport, il est mis en cause
dans ce désastre pour n'avoir pas su obtenir la constitution réelle de
l'unité aérienne "La Patrie", qui aurait dû réaliser des parachutages
d'armes sur le Vercors. Pour avoir critiqué l'attentisme de De Gaulle
dans cette affaire, Fernand Grenier se voit exiger de ce dernier, le 26
juillet 1944, une lettre d'excuses ou de démission. Alors qu'il penche
à titre personnel pour la seconde solution, Fernand Grenier doit se
résoudre à écrire une lettre de rétractation, sur ordre du Comité
central, qui voulait éviter une crise à la veille de la Libération de
Paris. Cependant, peu de temps après son retour à Paris en septembre
1944, via Cherbourg, à bord de la Jeanne d'Arc, Fernand Grenier perd
son poste de commissaire à l'Air au profit de Charles Tillon.
Fernand
Grenier est candidat dans la sixième circonscription de la Seine lors
de l'élection de la première Assemblée nationale Constituante, le 21
octobre 1945 ; en troisième position sur la liste communiste emmenée
par Jacques Duclos et Charles Tillon, il emporte néanmoins l'un des
sept sièges à pourvoir, puisque sa liste recueille 143 942 voix sur 308
887 suffrages exprimés.
Fernand Grenier est
nommé membre de la Commission de la presse, de la radio et du cinéma et
membre de la Commission des affaires étrangères ; son activité
parlementaire se concentre autour d'interventions à la tribune
destinées à défendre et à organiser la liberté de la presse et à
établir le monopole et la nationalisation de l'électricité et du gaz.
Aux
élections à la seconde Assemblée nationale Constituante, il retrouve
sans peine son siège, puisque la liste communiste, toujours conduite
par Duclos et Tillon, obtient 141 254 voix sur 309 546 suffrages
exprimés. Il siège dans les mêmes commissions que durant la première
Assemblée constituante ; c'est d'ailleurs, au nom de la Commission de
la presse, de la radio et du cinéma qu'il dépose, le 18 septembre 1946,
deux rapports, l'un portant sur la création du Centre national de la
cinématographie, l'autre sur la création d'un commissariat au cinéma.
Tout
au long de ces deux Assemblées Constituantes, Fernand Grenier se
conforme aux consignes de vote du groupe communiste auquel il
appartient.
Son élection lors des premières
élections législatives est encore plus aisée que les précédentes (146
573 voix sur 304 886 suffrages exprimés) ; il est vrai que le PCF jouit
dans la sixième circonscription de la Seine d'une audience remarquable,
et décroche invariablement, lors de ces trois premières consultations
nationales, quatre des sept sièges à pourvoir. Fernand Grenier est
durant cette première législature nommé membre de la Commission des
affaires étrangères (1946, 1948) et de la Commission de la presse
(1946, 1948, 1949, 1950, 1951) ; il est, par ailleurs, élu
vice-président de cette dernière Commission.
Fernand
Grenier déploit une activité parlementaire très intense pour toutes les
questions relatives à la représentation des intérêts français dans le
cinéma et dans la presse ; il dépose ainsi le 26 janvier 1948 une
proposition de résolution tendant à inviter le gouvernement à
promouvoir la révision des accords Blum-Byrnes, afin d'"assurer la
protection du film français". Ses interventions, très nombreuses durant
cette législature, témoignent aussi de son intérêt pour la mise en
place des moyens de diffusion de presse (proposition de loi du 21
février 1947 tendant à constituer des sociétés de messagerie), et de la
vigueur de son engagement aux côtés de l'URSS contre l'impérialisme
économique américain qu'il n'a de cesse de dénoncer (demande
d'interpellation, déposée le 12 décembre 1947, sur "les actes
d'hostilité contre l'URSS et les conséquences de ces procédés").
Candidat
au renouvellement de son mandat aux élections législatives du 17 juin
1951, la tâche lui est moins facile en raison de la forte percée, dans
la sixième circonscription de la Seine, de la liste RPF conduite par
l'ancien directeur du cabinet à Londres du général de Gaulle, Gaston
Palewski ; sur les 298 719 suffrages exprimés, la liste communiste du
trio Duclos-Tillon-Grenier emporte 131 212 voix et trois sièges, celle
du RPF, 88 497 voix et deux sièges - les deux sièges restants allant à
la SFIO et au MRP.
Une fois son élection
validée, le 6 juillet 1951, Fernand Grenier retrouve son siège à la
Commission de la presse. Toujours soucieux de contrer la propagande
américaine en France, il est notamment l'auteur, le 1er avril 1952,
d'une proposition de résolution tendant à la nomination d'une
commission d'enquête sur "l'origine des fonds considérables dépensés
par "Paix et liberté" et sur la constitution, le fonctionnement et la
direction de cette officine", qu'il accuse à deux reprises d'être
financée par les fonds secrets de la Présidence du Conseil. Fernand
Grenier multiplie aussi les interventions à la tribune pour alerter la
représentation nationale sur les problèmes du cinéma : fiscalité
excessive pénalisant les productions nationales, censure des films
soviétiques en France et, à l'inverse, pénétration massive et déloyale
des produits de l'industrie cinématographique américaine. Il s'inquiète
aussi des éventuelles dérives de la politique atomique entreprise par
la France (11 décembre 1951 et 28 janvier 1955).
L'élection
législative de 1956 est un grand succès pour les communistes de la
sixième circonscription de la Seine : la liste à laquelle Fernand
Grenier appartient, cette fois à la deuxième position derrière Jacques
Duclos, bénéficie de l'effondrement du RPF (Gaston Palewski, à la tête
des Républicains sociaux, manque la députation avec 5,6 % des
suffrages) et de la très forte dispersion des listes à droite. La liste
du PCF emporte trois sièges, avec 169 271 voix sur 371 902 suffrages
exprimés ; les autres sièges reviennent à la SFIO (le député sortant
Gérard Jaquet), aux radicaux-socialistes (Charles Hernu), au RGR (le
député sortant et maire de Vincennes Antoine Quinson) et aux
Indépendants et Paysans (Jean Dides).
Fernand
Grenier retrouve son siège à la Commission de la presse ; la
quasi-totalité de ses dépôts de textes sont relatifs à l'industrie
cinématographique (et notamment sa proposition de loi du 26 octobre
1956 tendant à supprimer la censure cinématographique). À la tribune,
il prend part avec vigueur à la discussion du projet de loi portant
réforme et statut de l'Agence France-Presse. Il est aussi rappelé à
l'ordre, et par deux fois inscrit au procès-verbal, lors de la
discussion des interpellations sur les événements de Hongrie, le 7
novembre 1956.
Élu membre suppléant du Comité
central du PCF au congrès de juin 1945 à Paris, Fernand Grenier en est
élu membre titulaire au congrès de Strasbourg, en juin 1947, et
conserve ce siège tout au long de la IVème République.
Avec
son groupe, il s'oppose au retour du général de Gaulle et refuse la
confiance au gouvernement (1er juin 1958), les pleins pouvoirs et la
révision constitutionnelle (2 juin).
Sous la
Vème République, aux élections de novembre 1958, Étienne Fajon est
réélu député dans la 40ème circonscription de la Seine (Saint-Denis).
Il conserve ce mandat lors des renouvellements de 1962 et de 1967.
Membre
à la Libération du comité national de l'Association France-URSS,
Fernand Grenier est l'auteur de plusieurs livres partiellement
autobiographiques dans lesquels il exalte la Résistance communiste
durant l'Occupation (Lettre à un ami (1945), C'était ainsi (1949) et
exprime son admiration pour l'URSS (Au pays de Staline (1950), La
Marche radieuse (1951).
source : site de l'Assemblée nationale
Fernand Grenier, documentaire diffusé à la télévision le 29 octobre 1971
- Fernand Grenier, C'était ainsi, éditions Sociales, 1959.
Sommaire : la
débâcle - les premiers pas - un bloc sans fissure - en centrale - le
bagne de Clairvaux - Châteaubriant - terreur sur Nantes - Paris sous la
botte - chaque jour tenir - un départ mouvementé - mission à Londres -
Alger - une tragédie : le Vercors - un enfer : Dachau. Document : texte intégral de l'émission de radio-Londres sur l'enfer d'Auschwitz.
- retour à l'accueil